Potosi – « Vale un Potosi ! »(16 et 17 Juin 2013)

Après notre petit tour du Sud, Segundido nous a fait le plaisir de nous déposer à Uyuni à 12h30 pour qu’on puisse attraper le bus de 13h pour aller à Potosi. Parfait. 4h plus tard, nous voici à Potosi. On s’installe dans un hôtel référencé dans note guide (c’est rare mais c’est tellement plus facile) et hop, un tour au marché et au lit !

Potosi est une ville un peu spéciale…D’abord, c’est l’une des villes les plus hautes du monde : 4070m ! Ensuite, Potosi est surtout connue pour son activité minière. Le Cerro Rico est connu dans le monde entier pour ses extractions minières et surtout les conditions de travail effrayantes. Avant, Potosi n’était qu’une petite bourgade, mais au XVIème siècle, la découverte des plus grands gisements d’argent du Nouveau Monde en fait une ville prospère d’où l’expression espagnole « Vale un potosi » (« cela vaut un Potosi » – expression du Don Quichotte). L’Europe va extrêmement s’enrichir grâce à ces mines, et ainsi, aux richesses accumulées par l’Etat espagnol.  On exploitait alors les indiens pour travailler dans ces mines, alors que le Cerro se trouve à 4800m d’altitude, il faut bien imaginer les dures conditions de travail : altitude, poussière, éboulements, etc. C’est vers 1800 que commence le déclin des mines, déclarées épuisées. Néanmoins, elles sont toujours exploitées par les habitants de Potosi, qui continuent, inlassablement, d’agrandir le « gruyère » de labyrinthe que représente le Cerro Rico en cherchant de l’argent biensûr, mais aussi de l’étain, du plomb, du zinc…

Et puis au-delà de ses mines, Potosi est connu pour son musée de la monnaie. C’est dans ce bâtiment, qui date du 16ème siècle, que l’empire espagnol fit « frapper » sa monnaie, avant de l’envoyer vers l’Espagne. Ceci dura jusqu’en 1825 puis par la suite, la Casa de la Moneda servit à fabriquer les monnaies des provinces unies du Rio de la Plata (Argentine) et de la Bolivie jusqu’en 1951. En même temps, rien d’étonnant quand on sait que c’est une ville minière : mine…argent…pièces…C’est bon ? Vous voyez le rapport ?

Voilà donc un bon programme qui nous attend pour nos 2 prochains jours….On commence donc par le musée de la monnaie. C’est l’un des musées, selon notre guide, qui vaudrait le plus le coup d’œil en Amérique du Sud. Le truc, c’est que le musée ne se visite que dans le cadre d’une visite guidée…Ça tombe bien, car on arrive à 9h, l’heure de début de la visite…mais ça tombe moins bien car la visite est en espagnol, le guide anglais étant en vacances. Bon, c’est pas grave, de toute façon, c’est notre seule occasion d’explorer ce musée (dimanche matin et le musée est fermé l’am et le lundi…) alors c’est parti. Pour finir, le musée nous déçoit un peu…C’est un méli-mélo de tout et de rien : pièces certes, machines à frapper les pièces, laminoirs (pour aplatir les lingots d’or), mais aussi tableaux (qui n’ont souvent rien à voir avec la Bolivie), momies (enfants retrouvées dans des églises), pierres « précieuses », objets en cuivre…La guide est relativement intéressante mais, à part la frappe des pièces, on ne voit vraiment pas l’utilité du musée en général…Le bâtiment est beau certes….Bon, on ressort un peu déçu mais au moins, on ne regrette pas.

On passe l’après-midi à flâner à l’hôtel, mais aussi dans les rues de Potosi. Au-delà de ses ressources minières, Potosi possède de somptueuses églises et une très belle architecture en général, fruit de son passé colonial.

 

   

 

Le lendemain, nous voilà partis pour la visite des mines…Eh oui, visiter les mines est devenu une activité touristique. Si Kevin a toujours été intéressé par la visite, pour Elise, c’était devenu un dilemme depuis quelques jours pour plusieurs raisons. Tout d’abord, une question d’éthique car aller « visiter » les mines, cela s’assimile quelques peu à du voyeurisme et nous n’avons pas envie que les mineurs soient considérer comme des « bêtes de foire ». Hors de question d’assister à une visite avec un groupe qui se dirait « cool, je suis habillé en mineur » ou « cool, me voici mineur pour un jour ». En général, les mineurs le sont de génération en génération à Potosi et cela est plus souvent une fatalité qu’un choix quoique le salaire soit bien plus élevé que le salaire moyen…La deuxième raison, c’est qu’il ne faut certainement pas être claustrophobe : une heure dans des tunnels étroits, pleins de poussières à 4500m d’altitude….ça fait réfléchir. Pour finir, malgré ces divers questionnements, nous nous décidons à y aller tous les deux. Certes, cela fait très « touriste », mais on trouve cela intéressant d’aller voir ce qui se passe réellement et de pouvoir le relater via ce blog. Il faut savoir également que, même si cela peut paraître dérisoire, 10% du prix que nous payons pour visiter ces mines est reversé aux coopératives qui gèrent les mines, à aujourd’hui et au-delà de ce reversement, nous allons acheter quelques cadeaux pour les mineurs : eau, jus, sodas, feuilles de coca, gants, etc.

Après toutes ces considérations, nous voilà donc partis pour la visite de la mine. On nous habille tout d’abord en fonction : pantalon, veste, bottes, casque et lampe frontale…Nous sommes parés pour le noir et les maigres tunnels.

 

Nous passons ensuite au marché des mineurs. Notre guide, un ancien mineur, nous explique alors les conditions de travail des mineurs et pourquoi ils ont besoin de cadeaux que nous pourrions leur faire. Il s’avère que les mineurs ne mangent pas à l’intérieur de la mine et que pour parer à la faim, ils mâchent, sans arrêt des feuilles de coca. Cela leur permet aussi de supporter l’altitude et de lutter contre la fatigue….Mais c’est surtout qu’ils sont tous devenus complétement dépendants de cette « drogue » ! Au-delà des feuilles de coca, on peut biensûr leur ramener de quoi s’hydrater quoique comme on ne fait pas pipi dans la mine, on n’y boit pas trop non plus…On peut leur acheter des gants mais aussi de la dynamite car au final, ce sont à eux de se l’acheter…Cela les soulage donc d’un achat. On repart donc avec 2 sachets de feuilles de coca, une bouteille d’eau et une dynamite en main…De quoi satisfaire quelques mineurs.

 

Nos emplettes…

Nous visitons ensuite l’usine de raffinerie. C’est dans cette usine que sont traités les minéraux extraits de la mine pour en faire une fine poudre brillante.  Environ 50 tonnes de « graviers » extraits de la mine sont traités pour en extraire seulement 400kg de poudre d’argent…Moins de 1% de rendement !

 

 

A l’approche de la mine…

Et nous voilà enfin, après la grimpette en bus du Cerro Rico, à l’entrée de la mine.

 

 

On pénètre dans un tunnel assez étroit et on est obligé d’y marcher recroquevillés en deux…Du coup, après quelques mètres déjà, la respiration se fait plus lente…Tout d’un coup, on sent la chaleur nous assaillir.

   

Au bout de quelques minutes, on se met dans un coin pour que le guide nous parle un peu. On a tous chaud et on est tous essoufflé. Il nous annonce que nous sommes au premier niveau et que nous allons maintenant descendre 50 mètres pour atteindre le 3ème niveau. Ah ?!!??!! Bon. L’un des hommes du groupe se désiste, il préfère rentrer…Elise hésite mais non, elle est venue là pour voir toute la mine, pas juste l’entrée, on va prendre sur soi ! Pour atteindre le 3ème niveau, on descend donc dans un tunnel. On est obligé de le faire sur les fesses. Kevin glisse. Il aura mal au dos quelques jours plus tard mais pas trop de mal malgré tout…

 

Enfin, après quelques mètres, nous débouchons sur le troisième niveau qui est, en fait, un peu plus espacé. Nous pouvons nous tenir debout et respirer un peu mieux. Nous avons tous un masque mais presque aucun de nous ne le porte : c’est déjà assez dur de respirer ainsi ! Au troisième niveau, nous rencontrons enfin quelques mineurs avec qui le guide discute. Ils attendent. Ils sont en bout de chaîne pour le travail d’aujourd’hui et attendent donc  que leurs collègues leurs envoie le travail. Nous croisons un chariot vide que le guide décide d’aller apporter aux mineurs un peu plus loin. Il veut surtout montrer aux hommes (qui vont le pousser avec les filles dedans) que le chariot pèse une tonne. On entend en effet les hommes s’essouffler en moins de deux. Ils ont du mal à imaginer comment on peut le pousser rempli de caillasse. C’est incroyable de s’imaginer des hommes et même des enfants travailler dans ces conditions. La mine est exploitée par des coopératives privées qui regroupent des mineurs, qui travaillent soit seuls, soit en petits groupes. Chaque coopérative travaille pour son compte et extrait ses minéraux, avant de les revendre aux usines de raffinerie. Le prix de revente dépend de la quantité, mais aussi de la qualité du minerai extrait. Chaque coopérative fixe elle-même ses règles de travail : temps de travail et répartition des bénéfices entre les mineurs. Le travail se répartit en différentes tâches : certains s’occupent de percer la roche pour y insérer les dynamites, d’autres se chargent d’extraire les matériaux et de les transporter sur des chariots montés sur rails…Le guide nous raconte quelques histoire rigolotes sur la mine…Il est fier de son ancien travail de mineur et de ce que son père a accompli. Il nous dit qu’il retournera sans doute, un jour, travailler dans les mines…

 

 

Nous distribuons ce que nous avons ramenés en « victuailles » aux mineurs et prenons le chemin du retour. Avant de ressortir, nous passons devant le « Tio » : le Dieu de la mine. Les mineurs ont l’habitude de faire des offrandes au Tio : feuille de coca, cigarettes, etc.

Le « Tio »

C’est que la voie pour sortir est un peu étroite…

…Mais on en voit enfin le bout!

Nous sommes tous contents de ressortir de la mine et de pouvoir respirer un peu d’air frais…Et pourtant, des centaines de mineurs y passent leurs journées entières ! Ce fut une expérience assez éprouvante. Les mineurs de Potosi gagnent relativement bien leur vie : 3000-4000$B en moyenne par mois contre un salaire moyen de 1000$B en Bolivie…mais à quel prix !!!

Nous nous en allons de Potosi, encore troublés par cette expérience. L’odeur de poussière et de divers produits reste sur nous et nos habits jusqu’à ce qu’on arrive à notre prochaine destination pour prendre une douche : de quoi nous rappeler durant tout le trajet les conditions de travail de ces mineurs.