Huayna Potosi – 6088m – Le challenge (30 Juin et 1er Juillet 2013)

A 8h30, nous sommes devant l’agence qui va nous emmener pour l’ascension du Hayna Potosi. Ce sommet qui dépasse tout juste les 6000m est justement considéré comme le 6000m le plus accessible. Il ne requiert pas vraiment de technique d’alpinisme, alors pour le challenge, on est parti pour le grimper. On a décidé de le faire en 2 jours (certains le font en 3 avec une première journée d’entraînement aux crampons et piolet) : une première journée pour monter au refuge à 5100m et départ à 1h du mat’ la nuit pour la vraie ascension : presque 1000m de dénivelé ! On est hyper motivé et on a intérêt car tout se passe dans la tête pour ce type d’ascension : ça va être dur, on va avoir du mal à respirer avec l’altitude et il va faire froid : de quoi vite décourager ! Mais on est vraiment à fond : on va y arriver !

Huayna Potosi: notre objectif…Pas si impressionnant!!!

Le minivan de l’agence nous emmène donc d’abord pour le camp de base (4700m).

Quel chemin on va prendre? Non, la French Route, ce n’est pas pour les français mais pour les vrais alpinistes: très peu pour nous!

Nous ne sommes que 2 pour le moment mais on sait que l’agence aura un autre guide sur place pour un israélien qui avait décidé de faire l’ascension en 3 jours. De notre côté, nous retrouvons notre guide Silverio au camp de base. Il vient de se faire une ascension ce matin avec 2 touristes et recommencera avec nous le lendemain : c’est de la folie, il aura fait 3 ascensions en 4 jours ! On déjeune rapidement, on empaquète tout notre équipement dans notre sac : crampons, chaussures type ski, gros manteau et pantalon, casque, baudrier, piolet ; et nous voilà partis pour le refuge. Silverio nous annonce de 1h30 à 3h de montée selon les personnes…Mais il table plus sur les 2h-2h30. A priori, pas besoin de crampons pour cette montée mais à mi-chemin, on voit pas mal de monde chausser malgré tout les crampons. On décide de ne pas les mettre mais on comprendra vite l’intérêt des crampons. On n’arrête pas de glisser et la moitié du chemin est totalement verglacée !!!

 

 

Malgré tout, avec pas mal d’effort (ça devient vraiment dur de reprendre son souffle), on arrive en 2h pile au refuge…

Notre joli petit refuge…

Bon ben il est tôt et il ne nous reste plus qu’à nous prélasser au soleil en attendant le dîner…Pour le moment, tout va bien, on a fait la montée dans les temps, sans problème. On voit la suite du « chemin » pour le lendemain, ça promet, mais on est confiant.

Le début du chemin pour le lendemain…

Nous sommes environ 15 touristes à dormir dans ce refuge ce soir-là. On se couche vite après le dîner. Il n’est que 18h30 et le sommeil a du mal à venir. Elise commence, dès le coucher, à avoir très très mal à la tête. Pour finir, personne ne dormira vraiment de la nuit (excepté les guides) et pour Elise, c’est l’horreur. Le mal d’altitude a frappé et a frappé très fort : un mal de tête comme elle n’en a jamais eu qui part de la nuque et enveloppe toute la tête et des nausées assez fortes. Mince alors ! En se levant, elle décide de prendre 2 dolipranes et de partir malgré tout. Hors de question d’abandonner : l’ascension est un but qu’on s’était fixé, on y pensait depuis le début de ce voyage ! Du coup, elle se dit qu’avec la volonté, elle y arrivera quand même. On s’équipe : au moins 3 couches partout (sous-vêtements thermiques, polaire, gros manteau et pareil pour le bas : 3 pantalons…), on s’encorde à 3 avec notre guide et nous sommes les 2ème à partir pour l’ascension. Il est 1h du mat’ et il fait froid ! On avance avec de tout petits pas ce qui permet de ne pas s’essouffler. Et à cette altitude, il ne faut pas s’essouffler car c’est trop dur de reprendre son souffle sinon. Plus on monte, plus on ressent le manque d’air. Après 200m de dénivelé, Elise se sent vraiment vraiment mal. Elle a de plus en plus envie de vomir et le problème, c’est que les nausées empêchent de respirer convenablement. Le guide lui offre peu d’espoir de réussite même si nous ne nous sommes toujours pas faits doublés…Du coup, on rejoint le 1er groupe qui est justement le groupe de notre agence (l’israélien et son guide) et le guide propose de rattacher Kevin à cette cordée pour qu’il ait plus de chance d’atteindre le sommet. La décision est prise, mais on a peu d’espoir car l’israélien n’est pas en grande forme d’après son guide…Bon, on verra bien. On se sépare donc.

Pour Elise, la décision de renoncer est dure à prendre, bien que son corps lui crie d’arrêter. Du coup, elle décide de continuer encore malgré tout avec son nouveau guide. Elle avance encore quelques mètre jusqu’au moment où il faut se rendre à l’évidence…Ce n’est pas possible dans cet état même avec une immense volonté…Demi-tour toutes. De retour au refuge, les vomissements bien réels désormais donneront raison à cet abandon, mais c’est une immense déception !!!!! Saleté de mal d’altitude !

Mais on a encore un espoir du côté de Kevin. D’ailleurs, pendant tout le reste de la nuit, Elise guette tous les bruits dans l’espoir de ne pas entendre la voix de Kevin…Il y a quelques abandons alors à chaque fois, c’est le stress : « non non, pas Kevin, svp !!! ». Eh oui, elle sait très bien que son super chéri n’abandonnerait pas mais serait contraint d’abandonner si son nouveau partenaire le décidait…

Mais du côté de Kevin, l’ascension continue.

Avec Amir, un israélien, ils avancent par petits bouts. Dès le rattachement, Amir respire à grands coups et semble avoir du mal à récupérer son souffle. Il a besoin de s’arrêter fréquemment ; au point que tous les autres groupes partis après nous nous dépassent. Pour Kevin, ça va bien. Enfin, peu après avoir été raccordé à Amir, il est pris de maux de tête et d’une infime nausée. Le mal d’altitude nous touche tous ; cependant, l’important est la respiration. La motivation fait qu’on ignore le mal de tête et les nausées tant que celles-là ne coupe pas le souffle. Et Kevin a une respiration aisée, d’autant plus que le rythme d’Amir lui permet de bien reprendre son souffle. Du coup, il se concentre sur son coéquipier : gestion de la corde pour qu’Amir ne s’emmêle pas les pieds, offre d’eau ou de snacks lors des pauses pour qu’Amir ait des forces,… Kevin a une certitude, c’est qu’il n’abandonnera pas avant Amir.
Ainsi on marche, on marche,… Après une longue période, première pause longue. Bons derniers, on rattrape les autres groupes lors de leurs pauses longues – que nous, nous écourtons. Amir s’effondre. Kevin veut connaitre l’altitude : 5500m. Aaaargh! On n’a même pas fait la moitié… Amir semble au bout du rouleau et Kevin réalise que la marche va être plus longue que prévue. On repart pour attaquer plusieurs montées.
Pour le fun et pour faciliter l’ascension, Kevin se met à mastiquer du coca. Ça doit probablement réduire les maux de têtes, permettre de mieux s’oxygéner, de supporter l’effort  physique, et ça fait tellement local ! En plus, on en a acheté la blinde et il n’y aura pas d’autres moments plus utiles pour leur consommation. Mais il découvre que ce n’est pas la panacée. On respire par la bouche qui devient ultra-sèche ; il est alors difficile de mastiquer la coca, de saliver puis de déglutir tout en respirant. Du coup, Kevin recrachera tout plus haut ; il préfère bien respirer.
Les montées sont assez raides et nous fatiguent quand on arrive au premier mur de glace. La pente est trop abrupte pour marcher ; on est à quatre pattes en se sécurisant avec le piolet. Ça nous achève. Kevin n’ose plus demander l’altitude de peur d’une réponse décourageante. On poursuit ; la respiration est plus difficile. Un groupe avant nous semble aussi à la peine ; un américain avait un bon mal d’altitude au refuge et semble souffrir. A chaque fois qu’on les rattrape, Amir se laisse tomber sur les genoux et halète. Il supplie le guide d’aller plus doucement…
On avance dans le noir, à la lueur de nos lampes frontales. On jauge mal les distances, ce qui n’est pas un mal quand on doit marcher de longues heures. On perd aussi la notion du temps car la luminosité reste la même : noir total. Bref, c’est l’inconnue sur notre situation, où on en est, combien de temps encore ? On est seul avec soi-même ; c’est un combat mental pour faire face à l’effort demandé.
Amir demande à Kevin s’il est en forme ou s’il pense redescendre. Pour Kevin, pas de problème ; il encaisse bien l’altitude pour le moment et il est super équipé contre le froid. Par contre, petite peur que le moral d’Amir s’effrite. « Ah? Mais ce n’est pas le sommet qu’on voit là ?! » On est juste au pied, 5800m d’altitude environ… « Plus que 200m de dénivelé ! » (ok, 288m précisément, soit près de 300m). Amir est trop exténué pour relever qu’on a encore près de 300m de dénivelé ou qu’on voit le sommet de près depuis le refuge. Ça a l’air de lui redonner confiance. On repart.
Après une longue marche ; on fait une nouvelle longue pause avec les autres groupes. On serait à 5850m d’altitude et la dernière étape s’annonce ardue. Yahou ! Kevin a atteint le seuil de 5850m qu’avaient fait Laura et Thibault. C’est déjà ça. Mais toute cette marche pour ne gagner que 50m de dénivelé… Pénible. Notre guide nous dit qu’on va pouvoir y aller très doucement ; on est largement dans les temps. Yahou  ! Cela veut dire qu’on est quasi-certain d’atteindre le sommet ; la dernière ligne droite se profile ; Amir pourra s’arrêter tant qu’il veut.
Et en effet, on attaque une pente abrupte vers le sommet. On longe la pente le long d’un chemin étroit. Ça demande un effort supplémentaire pour se sécuriser. Kevin est sur les nerfs et commence à s’essouffler. On atteint enfin un endroit plus large…  au pied d’un mur de glace ! Faut encore grimper et Kevin se sent moins en sécurité. Étonnamment, Amir avance maintenant à un bon rythme ! Kevin suit, mais est tendu et se fatigue. En haut du mur, on peut voir le sommet à 50 mètres devant. Mais il reste une dernière étape : une lame de couteau sur laquelle il faut marcher. Un ravin à gauche, un ravin à droite, un chemin sur 30 mètres de 10cm à 20cm de large pour y poser ses larges chaussures de crampon, un petit muret de neige fragile sur lequel il faut se sécuriser au piolet à droite… Pas le choix maintenant, plus possible de revenir en arrière car il n’y a pas la place pour se croiser avec une personne. On est fatigué et le guide demande à Kevin de bien gérer la corde. Amir, au milieu de la cordée avance sans soucis. Sur les nerfs, Kevin est super crispé. Il a peur d’Amir et se sécurise à chaque pas avec le piolet en l’enfonçant profondément ; ce qui lui demande de gros efforts pour avancer.
Enfin la libération ! On a atteint le sommet ! Immense satisfaction. 6088m. Kevin se laisse tomber dans la neige. On est une 15aine en haut avec les guides ; tout le monde prend des photos. Il est 6h30 et nous assistons au lever de soleil. La vue du haut est surprenante.

 

 

C’est pas tout ça, mais il faut redescendre. Après 5h30 de montée, on va mettre 1h30 à descendre. Le soleil est levé et on peu découvrir le paysage de neige que nous avons traversé quelques heures auparavant. C’est exténué que Kevin redescend au refuge. Il est ravi d’avoir pu atteindre le sommet, mais il est déçu de l’avoir fait sans Elise…

 

1h de pause au refuge avant de redescendre au camp de base d’où nous regagnerons la Paz. Une belle aventure….Une belle satisfaction pour Kevin et un gros regret pour Elise…Mais ce n’est que partie remise?!!?? A suivre…