Le Sikhisme

Enchantés par notre séjour à Amritsar, c’est une évidence que de rendre hommage à cette communauté religieuse en lui consacrant un post. Nombreux sont ceux qui prêchent un monde meilleur ; mais il est rare qu’une communauté l’applique effectivement, de manière si hospitalière et généreuse. Et c’est enchantés que nous avons découvert les fondements de cette religion, qui propose une vision philosophique sage et pragmatique.

Le sikhisme fut fondé au Punjab (région au nord-ouest de l’Inde, en partie au Pakistan) par le Guru Nanak à la fin du 15e siècle. Aujourd’hui encore, la majorité de ses adeptes (30 millions ; > 50% au Punjab) est située dans cette région historiquement bercée par l’hindouisme et l’islam. Selon le Guru Nanak, discuter quels composants de sa croyance proviennent de l’hindouisme et lesquels sont musulmans, c’est discuter comme un idiot qui cherche quelle religion possède le droit de professer des concepts universels tels que la bonté, la charité, l’honnêteté, la vénération du nom de dieu, le respect des autres.

La religion sikhe est monothéiste ; les sikhs ne croient donc qu’en un seul Dieu et rejettent en plus le culte des idoles, des rituels ou des prophètes, bien que certains se recueillent devant l’un des portraits des 10 gourous. L’enseignement de ces 10 gourous est contenu dans le Guru Granth Sahib, texte sacré des Sikhs.
La croyance en l’égalité de tous les êtres est au cÅ“ur du sikhisme et s’exprime de différentes manières :

  • cette religion s’est créée en réaction au système des castes et à la domination des brahmanes sur les rituels. Ainsi les Sikhs ne reconnaissent pas le système de castes des hindous, concept novateur à cette époque.
  • dans les coutumes : le langar est un repas végétarien (pour que tout le monde puisse le manger) préparé par des bénévoles dans la cuisine d’un de leur temple et gracieusement offert à des gens de tous horizons, assis côte à côte, quelle que soit leur caste ou leur foi. Afin de ne pas privilégier les plus riches dans leur méditation, l’hébergement, la nourriture et certains transports vers un de leur temple sont gratuits. Un Sikh nous a même expliqué que ce temple était aussi le nôtre, car nous sommes tous égaux.

Par ailleurs, le sikhisme met en avant les valeurs du travail (ou de l’effort plus généralement) et de la fraternité (ou de l’échange plus généralement). Guru Nanak a été pragmatique en affirmant que
« celui qui gagne sa vie à la sueur de son front et ensuite partage avec les autres connaît la voie qui mène à Dieu »Â (Guru Granth). Le Salut peut être atteint par chaque personne qui gagne honnêtement sa vie et mène une existence normale. Pour autant, richesse et possessions personnelles ne sont pas des obstacles à la réalisation d’idéaux spirituels. Cette valeur de travail associé à l’encouragement de l’échange donne, à notre sens, un socle fertile pour le développement d’une communauté prospère. Au final, cela se traduit par une manière d’être, où bénévolat (effort) et gratuité (échange) sont fréquents pour soutenir les temples – cf. nettoyage, repas, hébergement, etc.

Historiquement, le Punjab est la région la plus riche de l’Inde. Rares sont les sikhs qui mendient alors que cette pratique est monnaie courante à travers l’Inde. Bien que tolérante dans ses échanges, cette religion est volontariste et exclue la soumission.  « Lorsque tous les autres recours ont été épuisés, alors il est parfaitement juste de tirer l’épée. » (Guru Gobind Singh) Le Sikhisme n’est pas une religion fataliste. Un Sikh se soumet à la volonté de Dieu mais est toujours disposé à se battre pour de meilleurs lendemains. Au musée c’était amusant, nombre de tableaux présentaient des gurus sikhs faisant face à l’adversité (en guerroyant ou en enseignant une pensée subversive pour l’époque). Aucun n’illustrait un succès militaire ou un miracle : les gurus étaient tous éventrés, décapités ou torturés ! La note indiquait régulièrement que bien qu’ayant été vaincu, ce saint homme est mort bravement… Tellement curieux de mettre en avant ses défaites. Quoiqu’au bout du 15e tableau, on ne peut ressentir une persévérance dans leurs actions puisqu’ils ont poursuivi alors qu’ils se faisaient régulièrement anéantir.

Dans la pratique, comme les hindous ou les bouddhistes, les sikhs croient en la réincarnation et au karma. En revanche, aucune tradition ascétique – vivre simplement de manière austère – ou monastique – se retirer du monde – ne met fin au cycle des renaissances. On évite les réincarnations en renonçant aux vices (viande, alcool, tabac, jeux de hasard), en surmontant son propre égoïsme (haumou), en menant une vie intègre et honnête, car le but suprême de l’existence est la libération (mukti). Dans le Sikhisme, le concept de la Libération n’est pas dans un « autre monde », c’est d’être un Sachiar, « réalisé par Soi-Même », ne faire qu’un avec Dieu. Et seule la méditation permet d’atteindre cet état. Pour un Sikh, l’eau sacrée des rivières, la méditation et une vie de vérité sont le seul pèlerinage qui permet de le rapprocher de Dieu. Du coup le pèlerinage vers des lieux saints ne trouve pas sa place dans cette religion.

Au niveau vestimentaire, 5 emblèmes distinguent la fraternité khalsa – sikhs baptisés, appliquant le plus strictement les préceptes du sikhisme -, ou les 5 K : le kesh (chevelure et barbe non coupée qui symbolise la sainteté), le kangha (peigne qui retient la longue chevelure), le kaccha (caleçon qui symbolise la modestie), le kirpan (sabre ou épée, symbolisant pouvoir et dignité) et le karra (bracelet d’acier, signe de courage). L’ensemble des adeptes portent un turban, qui retient la longue chevelure, et une longue barbe. On les confond souvent aux musulmans à cet égard.

Enfin, cette religion revêt un caractère philosophique moderne que nous renvoie le film Matrix (ou le cogito de Descartes pour les puristes). Guru Nanak souscrit à la croyance en l’illusion du monde physique. Bien qu’il considère les objets matériels comme des réalités et comme des expressions de la vérité éternelle du créateur, ils tendent à ériger « un mur d’erreurs » autour de ceux qui ne vivent que dans un monde de désirs matériels. Ceci les empêche de voir le Dieu vrai qui a créé la matière comme un voile autour de lui, de sorte que seules les consciences spirituelles, libérées du désir, puissent le pénétrer. D’où l’importance de la méditation pour se détacher du monde matérialiste et se rapprocher de Dieu. Le monde est immédiatement vrai dans le sens qu’il est rendu manifeste aux sens, mais il est finalement irréel puisque seul Dieu est finalement vrai. Conservant la doctrine hindoue de la transmigration des âmes, ainsi que son corolaire, la loi du karma, Nanak conseille aux fidèles de ne pas prolonger leur cycle de réincarnations par une vie hors de Dieu en optant pour l’égoïsme, les plaisirs charnels et une vie matérialiste. Pour faire ceci il faut accumuler du karma. On doit ne penser qu’à Dieu, répéter sans fin le nom de Dieu (Nam Japa) et ainsi s’unir avec Dieu. Le salut, dit-il, ne signifie pas entrer au Paradis après le Jugement dernier, mais s’unir à Dieu et se fondre en Lui.

Et voilà pour une première approche de cette religion. De nombreuses autres choses peuvent être complétées sur cette religion, sa philosophie et ses adeptes. Nous avons pu feuilleter quelques essais de deux actuels éminents Sikhs. Ces deux professeurs complétaient les bonnes pratiques à adopter dans cette vie moderne, du style : la médecine dit que les fruits sont bons, il faut manger des fruits tous les jours ; ou encore brosser vous les dents car l’hygiène est importante.
On n’exclut pas avoir déformé certaines notions par mégarde. Aussi n’hésitez pas à surfer sur internet pour approfondir les concepts de cette religion car elle est mérite un détour.
De notre côté, Elise a adoré le Daal (soupe de lentille) du temple et risque de passer plus de temps à manger qu’à méditer pour faire une bonne Sikh. Kevin, lui, n’a pas une tête à chapeau (ou à turban) et son semblant de barbe lui barre la route aux hautes sphères de cette religion. Donc si l’idée nous a traversée de nous convertir, nous n’en resterons qu’à ce sta